“Retour”, quelques extraits

À l’image de leurs illustres prédécesseures, elle étaient mères, épouses, sœurs… Elles avaient les cheveux noirs, gris, blonds… Elles étaient enseignantes, commerçantes, femmes au foyer…

Elles étaient présentes quand les hommes n’étaient plus capables.

Seules les femmes déjà mères étaient choisies. Car une mère avait en elle le sens du don de soi jusqu’au sacrifice ultime.

Telles étaient les gardiennes de la cité.

***

L’égalité n’avait jamais existé. Il n’y avait eu depuis toujours que des forts et des faibles. Les uns de par leur intelligence, leur travail, leur volonté… voués à dominer. Les autres, de par leur pusillanimité, voués à servir. Il n’y avait pas de troisième issue. Les faibles ne dominaient que par leur nombre, bien supérieur à celui des forts. Tout au plus certains parmi les faibles étaient appelés à devenir forts et dans l’attente de cette évolution étaient astreints à l’humilité.

La volonté devait se voir sur le corps. L’extérieur n’était que le reflet de l’intérieur. L’apparence était le miroir de l’âme. Le corps sculpté, travaillé, forgé n’était que le résultat de la volonté de puissance. Un corps mou, informe, bouffi ne pouvait que renfermer une âme faible et velléitaire. De même qu’un corps chétif était le signe d’une âme lâche et timorée.

Qui ne voyait là que propos empreints de superficialité témoignait par cela seul de son appartenance à la catégorie des faibles.

La puissance conférait aux forts la supériorité sur les faibles.

L’infériorité imposait aux faibles des devoirs envers les forts.

Telle était de toute éternité la loi d’airain du monde.

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Dans le Coran, l’absence l’ordre chronologique confèrent à ce livre un caractère intemporel. La Bible est chronologique car elle est soumise au temps qui passe, elle était vouée dès sa conception à céder la place à une révélation ultérieure qui viendrait en corriger les aspects falsifiés au cours du temps et finalement la rendre obsolète. Elle est comme un vieux château abandonné tombant en ruines dont peu à peu les restes de murs se recouvrent de végétation jusqu’à disparaître complètement sous l’effet du temps.

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Chloé Lavernie ne manquait pas de pugnacité.

« … Parlons-en du bilan de votre équipe ! Le cinéma est fermé, plusieurs restaurants ont fermé, les femmes n’ont plus le droit de s’habiller comme elles le veulent, les droits de la communauté LGBT sont inexistants, les habitants sont terrorisés par ces drôles de femmes qui se font appeler les Murabitat… »

Khalida répondait aux critiques avec un calme olympien.

« Nous avons joué le jeu électoral, le jeu de votre démocratie pourrissante. Vous nous reprochez de ne pas vouloir nous assimiler ! Mais à quoi devrions-nous nous assimiler ? À votre civilisation occidentale décadente ? Vous souhaitez nous voir cautionner la propagande des homosexuels à destination des enfants ? Vous voulez que l’on écoute vos musiques qui abrutissent notre jeunesse ? Vous voulez nous imposer vos modes qui dénudent le corps des femmes et les exposent à la vue de tous comme des morceaux de viande dans l’étal d’une boucherie ? Et votre cinéma et ses films saturés de violence et de pornographie ? Est-ce cela que vous défendez ?

– Nous défendons le progrès, la tolérance, la bienveillance…

– La tolérance envers les drogués ? Et de quelle bienveillance parlez-vous ? De celle envers les trafiquants ? Vous affirmez défendre les droits des femmes, mais leur premier droit est celui d’être en sécurité lorsqu’elles marchent seules… »

Une salve d’applaudissements retentit.

L’avocate ne se laissa pas démonter.

« Nous défendons le vivre-ensemble, le droit à la différence, la tolérance.

– Plus personne n’y croit, sauf votre respect, à votre baratin bien-pensant. Votre échec est patent. Vous osez parler de vivre-ensemble alors que vos électeurs fuient le reste du peuple…

– Mais nous au moins, nous luttons contre l’islamophobie. Nous vous avons toujours défendu contre l’extrême-droite.

– Nous n’avons pas besoin de vous ! Et surtout pas en tant que défenseurs. Ce à quoi aspirent les Musulmans, c’est à travailler, à être en sécurité, à élever dignement leurs enfants et à pouvoir pratiquer sereinement leur religion. Et tout cela rejoint en grande partie les aspirations des non-musulmans. Vous ne nous aimez qu’en tant que soumis, non pas à Dieu, mais à vous. Vous préférez que nous restions en bas afin d’avoir une cause à défendre pour vous donner bonne conscience. Vous êtes en cela la digne héritière des colons des siècles passés… Vous évoquez les droits de la communauté LGBT mais cela n’est que préoccupation de bourgeoise repue. »

***

– Ce n’est pas vous qui avez vidé cette église. Les Musulmans n’y sont pour rien dans le déclin de la religion catholique. Et encore, je ne saurais estimer à partir de quel moment ce déclin a commencé. Certains évoquent les années 1960 et les conséquences délétères du Concile Vatican II, d’autres attribuent cette décadence aux attaques incessantes de la Franc-Maçonnerie depuis la Révolution dite Française jusqu’à la loi de 1905 instaurant la laïcité, d’autres imaginent un complot juif, ou encore l’essor du Protestantisme… Dernièrement c’était les conversions à l’Islam… L’on a cherché mille et une explications. L’on a cherché les coupables partout. Partout sauf en nous-mêmes. Quel orgueil ! Quelle suffisance !

– Les Occidentaux ont oublié Dieu.

– Précisément. À mesure que le progrès technique a entraîné une élévation sans précédent de notre niveau de vie, de notre confort, nous avons été pris dans l’ivresse de notre hubris, pour prendre ce terme grec, nous nous sommes petit à petit sentis tout puissants. Comme des dieux. Et Dieu alors est devenue une hypothèse périmée, pour citer ce salaud de Jean-Paul Sartre, une hypothèse qui mourra tranquillement d’elle-même. Et Nietzsche, quoi que l’on pense de lui, a pu dire dès la fin du XIX ème siècle : Dieu est mort. Il a voulu dire par là que la foi en Dieu était morte en occident. Sur ce point il n’avait pas tort.

– Vous savez que sur ce point je partage votre constat.

– Nous Catholiques n’avons rien à vous reprocher à vous Musulmans. Nous occidentaux n’avons rien à vous reprocher à vous qui venez du sud et de l’orient. Notre civilisation est tombée dans un relativisme moral tandis que la vôtre résiste encore. Notre civilisation agonise lentement tandis que la vôtre vit encore, veut encore vivre et s’étendre.

– C’est très exact, Monsieur André.

– Regardez-vous et regardez-moi, Madame Farouk. Vous êtes jeune, vous êtes forte, tandis que je vieux et fatigué. Tous les deux nous sommes une métaphore de ce monde. L’avenir vous appartient, tandis que moi, j’appartiens au passé.

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